Jenny Lysander – Rencontres au jardin de LIGHTHOUSE

Jenny Lysander Son univers intérieurUn pas de côté pour échanger avec les protagonistes de l’EP LIGHTHOUSE, ‘debut-album’ de Jenny LYSANDER, déjà chroniqué ici.  On est au tout début d’une carrière d’artiste, et pourtant tout semble en place depuis longtemps.  Une rencontre a tout permis.

La première fois que Piers FACCINI a mis Jenny LYSANDER en lumière, souvenez-vous, c’était à l’occasion de sa cover à la bougie de Time of nought. Une bougie à la lumière aussi intense que lente si l’on peut dire. Jenny avait en quelque sorte installé un petit univers de lumière, de cordes, de doigts et de rythme, focalisé sur la mélodie et la délicatesse de cette chanson qui ne ressemble à aucune autre dans l’écriture de Piers.

Piers__ « J’ai d’abord été interpelé par le choix de cette chanson en particulier, et vite impressionné par son interprétation tellement personnelle, un jeu de guitare très poussé. Plus tard on se rencontre à Londres et je découvre à l’écoute de ses démos un univers affirmé, un genre de sensibilité que je partage sur beaucoup de plans. Là, oui, j’ai un coup de foudre et je lui propose de dialoguer un peu entre musiciens, de venir enregistrer ses chansons dans mon home studio des Cévennes. On a un peu de temps, celui de se découvrir mutuellement nos univers. Ce n’est pas tant une culture précise, géographique, qui est partagée, mais une conception universelle de la musique Folk reliée à la vie des gens, aux histoires ressenties ; dans mes références à moi, elle me fait penser à Bert Jansch, Sandy Denny, Anne Briggs, par exemple. En plus elle a ce talent déjà bien en place pour l’écriture mélodique, mais pas sur une trame pop couplet-refrain ; c’est plus comme une histoire qui se déroule. »

C’était l’été dernier (2013), et quelques semaines après cette session, il y avait une de ces fameuses étapes de La Route de la Voix, sur le site caussenard de l’Association Bouillon Cube. Longues conversations sous les étoiles, et celle-ci avec Piers et Patrick JAUNEAUD, l’ingénieur du son qui est de tous ses projets et qui a travaillé un temps en Angleterre pour quelques fameux projets (The Wall, Pink Floyd entre autres).

Patrick Jauneaud__ « En écoutant cette fille chanter, parler de ses chansons, discuter des arrangements, je me souviens des premières sessions avec Kate BUSH. Toute jeune, elle débarquait en studio avec ses premières chansons en sachant exactement ce qu’elle voulait. Elle avait une maîtrise dans la voix aussi qui contrastait avec son jeune âge. Jenny LYSANDER me donne la même impression : elle a cette maturité précoce et prometteuse pour la suite. »

Faccini Cévennes 2013

Piers FACCINI, songwriter, aborde naturellement cette rencontre bien au-delà du rôle de simple réalisateur ; dans l’esprit d’une collaboration entre artistes, il sera celui qui enveloppe, qui regarde l’ensemble, et donne la couleur de l’album.

Piers__ « Ça fait écho à mon premier album Leave no trace, produit par Vincent SEGAL (violoncelliste , producteur, ..). On avait déjà enregistré ensemble 5 ans avant, avec mon groupe Charley Marlowe, mais je rêvais de cette collaboration où je pourrais confier entièrement le travail de réalisation et les arrangements à Vincent. Là, je pouvais me concentrer sur les compositions et laisser cette partie du travail à quelqu’un d’expérimenté, l’observer, apprendre sur le métier, approcher cet immense savoir par l’expérience.
Aujourd’hui à mon tour, avec Dom La Nena (pour la production de son premier album Ela) ou avec Jenny LYSANDER, j’utilise mon expérience, les savoirs accumulés, pour enrichir le travail des autres. J’ai aussi la chance de travailler dans mon petit studio, qui est mon atelier d’artiste, rempli d’instruments de musique ramenés de mes voyage, que je connais bien et dont je joue souvent ; c’est un univers familier qui me met en pleine capacité de concevoir, d’expérimenter, et de proposer. »

Jenny LYSANDER

Jenny LYSANDER

Qu’en dit la principale intéressée ?

Jenny__ « Durant cette session, je me souviens combien c’était extraordinaire de voir la façon de travailler de Piers, comment une idée qui lui venait trouvait naturellement sa juste place, et comment l’environnement : les cigales, les criquets, le bruit des avions qui passent dans le ciel, et même les petits bugs techniques s’intégraient aussi dans la musique. L’expérience de ça comme un tout a été incroyable. »

Piers__ « L’univers de ce studio, ma façon de travailler, c’était évidemment nouveau pour Jenny. Je travaille à l’instinct, je mets très vite mes idées en œuvre : ajouter tel instrument, composer un chœur, .. J’aime beaucoup ce travail sur la texture, apporter de la matière. On est bien loin du cliché guitare sèche – voix feutrée ; sur ce EP il y a beaucoup d’assemblages, des chœurs, des glissés d’harmonies, c’est riche et complexe. J’ai pu aussi développer le potentiel voix de Jenny ; elle a un potentiel de modulation très fin, une gamme de fréquences dont elle ne soupçonnait pas l’emploi: elle a dû me faire confiance. »

Naturellement, l’ambiance home-studio contribue à installer ce climat de confort et de confiance indissociable des belles réussites. On n’en parle pas souvent. Jenny y est sensible, encore une fois d’une façon très personnelle :

Jenny__ « J’ai deux souvenirs précis de ce séjour, oui. Piers avait un exemplaire de The essential Chuang-Tzu. J’ai lu une de ces histoires qui débutait avec ce bûcheron à la recherche d’un arbre à scier ; il en croise un, épais et en bonne santé, mais il ne le coupe pas. Chuang-Tzu lui demande pourquoi et le bûcheron répond que ça ne vaut pas la peine, que cet arbre est trop difficile à travailler, qu’on ne pourra rien en faire … Chuang-Tzu réplique que grâce cette « inutilité », l’arbre va vivre de longues et belles années… Rien que ce petit extrait est beau … »
Je me souviens aussi de ses tasses à thé. Peut-être les plus belles que j’ai jamais vues. Elles étaient petites, pas de anse, avec des tonalités de terre chaudes et profondes sous le glacis ; je pouvais presque sentir la fraîcheur de l’argile et l’humidité de la terre mélangées au parfum de menthe quand je buvais … »

Jenny LYSANDER

Jenny LYSANDER

La manière dont la Demoiselle porte son regard sur les petits détails de la Beauté, la manière dont elle en parle, l’importance qu’elle accorde à une atmosphère, un tempo, une tonalité ou un son, … voilà qui engage à l’interroger d’une manière un peu différente sur ses débuts en musique.
La musique n’est-elle qu’un de ses jardins ou exprime-t-elle un univers global?  Et – s’il en est – sur quelles découvertes, sur quels serments de jeunesse est-il fondé ?

Jenny__ « Eh bien, j’ai commencé vers 13 ans je crois, à chercher quelque chose ; j’étais très troublée par l’état des choses, je m’inquiétais pour mes proches, et même à ce jeune âge j’avais une vision claustrophobe de ne pouvoir en faire assez et de manquer de temps. Un jour je suis tombée sur cette vidéo d’un sage soufi nommé Hisham Kabbani, qui commençait un discours par ces mots : ‘J’essaie d’être, .. autant que possible … zéro. Ce qui veut dire que j’essaie d’être rien… Parce que quand vous n’êtes rien, vous serez capable de comprendre … tout.’ Et ces premiers mots (j’ai oublié la suite), ce qu’ils signifiaient, me sont allés droit au cœur. Je crois que pas un seul jour n’est passé depuis sans que ces mots surgissent dans mon esprit à un moment de la journée. Ils me guident dans mes décisions, dans mes choix, et je ne me lasse jamais d’en rechercher le sens, de chercher d’où ils viennent et pourquoi ils résonnent si fort en moi. C’est l’une des raisons principales pour lesquelles je suis également intéressée par la philosophie chinoise, le taoïsme, le bouddhisme zen…
Ma chanson Giving Thanks parle de cela, de vivre avec la gratitude, de rester humble face au monde, face à sa beauté, dans l’espoir de devenir assez transparente pour un jour en faire partie, être en harmonie avec lui…. »

lighthouse

 

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2 commentaires pour Jenny Lysander – Rencontres au jardin de LIGHTHOUSE

  1. Ben ahmed dit :

    Merci…la suite,la suite ! 🙂

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