The Many Are One : We are Folk !

artwork Piers Faccini – Olivier Carrie

La compilation The Many Are One a bercé ce break de fin d’année et annonce l’ouverture du jeune label Beating Drum de Piers Faccini à la réalisation d’autres projets que ses seuls albums.

Chouette: le folk n’est donc pas mort! Encore moins quand il est servi par une production aussi soignée.

Voici l’occasion de discuter tranquillement avec Piers Faccini de la philosophie de cette compilation en forme de nouveau manifeste.

C’est un peu une histoire de famille

Ça dépend un peu de ce que vous écoutez, mais en regardant du côté des auteurs-compositeurs capables d’écrire des chansons originales et qui  ne doivent pas tout aux arrangements ou à la post-production, on dirait bien que ça bouge, non?  Talents qui émergent et artistes confirmés qui écrivent avec intégrité aux 4 coins du monde des chansons simples et fortes.  Des chansons qui vous embarquent dans leur univers singulier, hors modes.

Des gens comme ça, il en rencontre souvent, Piers.  Peut-être même qu’il les cherche?!  En tout cas, il ne laisse jamais passer une occasion de collaborer, d’enregistrer la voix de l’un, ou de faire un chœur pour l’autre, une piste guitare, …  Quelquefois on le retrouve en titre pour sa série Songs I Love, sinon c’est juste pour le plaisir, pour marquer une forme de reconnaissance mutuelle.

The Many Are One n’est pas vraiment présenté comme ça mais on peut y voir une petite famille composée le long de la route, comme un carnet de voyages, fil rouge tissé de rencontres, de stimulations, et de beaucoup d’envie on dirait bien.

« Anaïs Ledoux est mon agent/manager; elle est aussi associée dans mon label Beating Drum.  Elle parle de cette idée de compilation depuis un moment: cette appartenance, c’est une réalité et il faut la montrer.  Non seulement les traces de mon parcours mais une photo instantanée, un snapshot des mes collaborations et des projets du label. »

Bon, on savait que Beating Drum était né de la volonté de Piers Faccini d’être responsable de sa musique à 100% dans un marché de la distribution plus que flottant.  Vous vous souvenez de son manifeste Why Music Is Food, que j’avais proposé en français ici.  Dans cette incertitude économique, Piers avait cependant très vite fait le vœu de pouvoir un jour produire des artistes qui l’inspirent. C’est le boulot pur feeling qu’il avait assuré en réalisant le premier album de Dom la Nena ‘Ela’ pour le label Six Degrees Records.  Puis, il s’est souvenu de cette incroyable reprise de sa chanson ‘Time of Nought’ par Jenny Lysander.  Et il n’a pas hésité à sauter le pas.  Son premier album sort chez Beating Drum ce printemps 2015.

artwork Piers Faccini - Olivier Carrie

artwork Piers Faccini – Olivier Carrie

The Many Are One: le titre

« On m’a interrogé sur le choix du titre, qui résonne un peu biblique (*), mais c’est un hasard. Le titre est plus inspiré par la physique quantique que par la religion judéo-chrétienne!  L’idée est que toute l’infinie et chaotique multiplicité est au final l’expression d’une sorte d’énergie singulière – the many are really all one!  Est-ce qu’on peut dire qu’un atome, une molécule, ou même une cellule est individuelle? En la regardant elle semble avoir un aspect individuel mais en réalite, elle fait partie d’un corps, l’individualité et son comportement est donc plutôt une apparence ou même une illusion, quand on considère le corps infini dans lequel le soit disant individu existe!

Pour l’artwork, toujours très important chez nous, il y avait l’idée de choisir une image avec chaque artiste. J’avais en tête d’utiliser des images de cellules du corps humain et en regardant les propositions, Olivier Carrie (le graphiste) a suggéré d’utiliser du papier marbré.

The Many Are One, la compilation. Petit survol avec Piers Faccini

Tout ce qui figure sur cette compilation, ce sont des inédits.  Des artistes différents mais qui sont dans une sorte d’unité, vous verrez.

D’abord, merci à Ben Harper d’être présent.  Il m’a embarqué sur sa tournée mondiale entre 2006 et 2008, je lui dois beaucoup.  Il n’a pas la tête dans le business; avec lui, je peux parler musique pendant des heures, c’est un passionné.  Il a adoré l’idée The Many Are One et il m’a envoyé ce titre ‘Thank me in the morning’, qui est du Ben Harper pur jus!

Pour Jenny Lysander, c’est une façon d’annoncer son album, avec le titre ‘Lavender Philosophy’.  Jenny, elle a son univers, et quand on lui demande d’en parler, elle le fait en histoires.  C’est une conteuse.  Sur son site web, elle illustre cette chanson par un souvenir d’enfance qu’elle raconte merveilleusement. (voir la version française en fin d’article).

Yelli-Yelli c’est l’autre projet d’album en cours chez Beating Drum.  Emi est une jeune femme dont la famille est originaire de Kabylie, elle a déjà développé des projets musicaux et voyagé pas mal.  Elle m’a contacté sur projet de reprise de chansons d’Afrique du Nord.  J’ai ressenti qu’elle portait en elle quelque chose qui me parle beaucoup: le métissage culturel, entre l’héritage du pays natal et les pays d’adoptions qu’on traverse au long de sa vie.  J’ai pensé que ça pouvait faire un axe pour des chansons bien à elle, authentiques.  On a travaillé ensemble l’écriture et voilà: on part sur un EP 4 titres au printemps et un album à l’automne si tout va bien.  Son titre ‘Ddunit Tentar’ figure sur la compilation et  signifie ‘Terre qui brûle’ en kabyle.

artwork Piers Faccini - Olivier Carrie

artwork Piers Faccini – Olivier Carrie

Puis il a les fidèles: Dom La Nena bien sûr, et sa version presque maquette, intime, de ‘Anjo Gabriel’. Claudio dans ‘L’Amore Succede’ pour GNUT : on a pas mal travaillé ensemble par le passé et on a un nouveau projet d’album pour lui .  Dawn Landes: on avait enregistré ensemble, et avec Sylvie Lewis, un morceau de Woody Guthrie pour la série Songs I Love; Je l’ai invitée pour un récital acoustique cet été dans une chapelle romane dans les Cévennes.  Dawn a choisi un traditionnel, sur lequel j’ai ajouté une voix. On prépare une tournée ensemble aux USA pour la fin de cet hiver.  Italie,  encore plus dans la tradition populaire avec Canzoniere Grecanico Salentino; j’avais écrit et interprété une chanson ‘La voce toa’ sur leur album Pizzica indiavolata.

Jasser Haj Youssef, à qui j’ai confié le seul instrumental de l’album, une respiration chaude très pure, apaisante.  Avec Jasser, c’est comme avec Vincent Segal ou Ibrahim Maalouf: avec leur instrument, ces musiciens ont une sensibilité comparable à la voix; on se connecte très vite.

Roger Robinson est une vieille connaissance.  Du côté des gens que je fréquente en Angleterre: les poètes performers.  Roger est aussi actif dans le pop electro, il a un groupe genre dub-step: King Midas Sound. Mais il me parlait de son envie de faire quelque chose de totalement dépouillé. Ça a donné le projet Horsedreamer; on a écrit le titre ‘Bolder’  ensemble.  Il a une voix incroyable, délicate, inoubliable; elle a appelé les chœurs. C’est une chanson très chorale.

Autre bel exemple de collaboration avec Emily Barker. J’ai découvert sa musique grâce à un morceau qui s’appelle ‘Nostalgia’, que j’aime beaucoup.  Je l’ai invitée à faire un récital sur La Route de la Voix avec moi.  Elle était partante mais au final on n’a pas pu le faire, peut-être 2015?  Elle a écrit et enregistré dans son home studio en Australie, puis envoyé le fichier à Alabaster dePlume pour ajouter des pistes de saxophone, et enfin en Suède chez Ruben Engzell and Jesper Jonssonn (de Vena Portae), pour les parties de basse, batterie, et le mixage final.

Les Maliens de BKO Quintet m’ont fait une confiance totale en m’envoyant le fichier et toute la 2e partie open pour y enregistrer le chant que je voulais! Le titre ‘Donsulu’ est repris depuis sur leur bel album ‘Bamako Today’.  Je suis évidemment touché et fier d’y avoir participé.

Vous allez découvrir William Patrick Duncan, encore très peu connu, enregistré lors de son passage dans mon home studio des Cévennes.  Les Fils du Calvaire, avec la seule chanson en français de la compilation.  Guy Blakeslee, entre vieille ballade roots et mélopée, j’aime bien.

Et puis j’ai ajouté une chanson à moi, Keep Me. »

artwork Piers Faccini - Olivier Carrie

artwork Piers Faccini – Olivier Carrie

Encore un joli coup esthétique pour Beating Drum avec un objet riche,  décliné en CD et vinyle.  C’est la philosophie de Beating Drum: ne pas transiger sur la qualité, offrir plus à ceux qui suivent la démarche.  Une option économique risquée, précaire, toujours sur le fil.  Loin des tendances d’un marché où les artistes peuvent perdre leur statut dans d’improbables compromissions, Beating Drum trouve pourtant un écho auprès d’un public qui le suit. Des personnes qui font des choix, et qui savent que leurs choix, leurs actes d’achat peuvent peser. Enfin, parce que son manifeste est clair, Beating Drum commercialise aussi ses réalisations sur les plateformes de téléchargements. Pour étendre son réseau et amener davantage d’amateurs à découvrir le catalogue « maison ».

Alors, à vos réseaux!  Et pour le circuit court, le shop en ligne c’est par ici.

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(*) Because there is one bread, we who are many are one body, for we all partake of the one bread.(1 Corinthians 10:17)

Le bonus: Philosophie et Lavande, par Jenny Lysander

« Lorsque j’étais petite, je passais beaucoup de temps avec mes grands-parents.   C’était un bonheur absolu.  Ma grand-mère – telle que je m’en rappelle – était toujours rayonnante, heureuse, prête pour un jeu ou pour raconter une histoire, ou encore penser à ce qu’on pourrait bien faire.  Elle disait les histoires de son passé, et celles de mon grand-père aussi.  Comment, par exemple, il avait tellement voulu devenir pianiste. Mais  il avait décidé que c’était une idée ridicule, et il était devenu ingénieur à la place.  Je me souviens lui avoir écrit des lettres, me faisant passer pour différents clients du monde entier qui lui demandaient d’inventer telle ou telle machine.  Ca le faisait rire.  Mais d’une sorte de rire en retenue, très silencieux.   Sinon, je m’en rappelle comme quelqu’un de très silencieux.  Il avait ce regard vif d’intellectuel maître de lui.  Toujours occupé, jamais de temps libre.  Mais toujours calme, d’une certaine manière.  De temps en temps il jouait du piano.  A chaque fois, ma grand-mère interrompait ce qu’elle faisait et m’imposait de faire de même, pour m’asseoir et écouter.  J’étais bien sûr trop agitée pour y arriver.  Ça ne représentait rien pour moi – « Trop de notes », disais-je à ma grand-mère, citant le film Amadeus que ma mère regardait en boucle à l’époque.  Alors ma grand-mère m’envoyait dehors, sur le balcon, et me disait d’imiter chaque oiseau, chaque insecte, et le moindre petit bruit que je pourrais entendre.  Elle disait que ça m’apprendrait à apprécier mon grand-père au piano.  Bon, ça n’a pas trop marché … Mais j’ai appris à respecter ces moments, sincèrement.  Et je suis aussi devenue experte pour imiter les chants d’oiseaux !  Autrement, ça m’a surtout permis de comprendre que j’étais sans doute une grande rêveuse.

 Quand j’étais là-bas et qu’elle n’était pas près de moi, je me rappelle que ma grand-mère travaillait au jardin.  Pour une raison quelconque, je me souviens que tant ma grand-mère que ma mère voulaient absolument faire pousser de la lavande dans leurs jardins.  Elles s’y efforcèrent longtemps mais ne réussirent jamais.  Voilà pourquoi la lavande a pour moi une signification particulière, un peu mystérieuse.  Aussi je pense toujours à ma grand-mère  et à sa philosophie de la lavande quand j’entends ce mot, quand j’en vois ou que je respire son parfum. »

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