TUi MAMAKi – Hear My Voice : Je suis mes amours musicaux

Celle-ci est un oiseau libre  au vol toujours sûr et gracieux, aussi juste dans ses triolets de pur plaisir que par ses confessions mélodieuses à la nuit ou au soleil levant.  Le chant qu’elle délivre aujourd’hui est un aboutissement mais avant tout une identité poétique révélée.
Deuxième parution dans la collection Hear My Voice du label Beating Drum de Piers Faccini, voici TUi MAMAKi,  une fille qui voyage à la légère, au fil d’un cœur chantant.

cover design: Uncle O

La petite enfance est très souvent l’époque où infusent les ferments  d’une identité singulière.  Celle de TUi MAMAKi se déroule en France et mélange très tôt les cultures et les langues (papa Néo-zélandais, maman Française pied-noir du Maroc) au gré des projets un peu saltimbanques de ses parents – comme cette itinérance de plusieurs mois à dos d’âne dans les Pyrénées avec un petit spectacle de cirque.

Ainsi, quand viendra le temps du grand voyage en Nouvelle-Zélande, l’enfant de 5 ans emporte et ne perdra jamais l’amour vibrant pour cet autre bout du monde où s’est initié son être-au-monde. Comment pourrait-il en être autrement ?

Suivre des amours musicaux

L’éveil poétique, c’est une autre histoire : il faut un choc, de la charge, et l’adolescence est un théâtre assez connu pour de tels éblouissements.  Dans les cassettes audios de ses parents, TUi découvre un enregistrement du Mystère des Voix Bulgares qui fascine l’adolescente de 12 ans et la conduit à ce qu’elle identifie aujourd’hui comme une première expérience consciente du sentiment d’appartenance au monde.  C’est une sensation physique, semblable à celle que l’on éprouve en rêve, et impulsée par la dynamique vibratoire particulière des polyphonies chantées par les femmes dans la tradition bulgare.

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photo ©Jen Raoult/Clair Obscur

Grâce à cette révélation, TUi comprend que sa voie sera de suivre des amours musicaux.  Elle réalisera également la signification du prénom donné par ses parents : le TUi est un oiseau au chant complexe et mélodieux, spécifique à la Nouvelle-Zélande.

Les études seront artistiques (Beaux-Arts, théâtre, musique, ..) mais le chant s’imposera en fil conducteur des explorations et des rencontres en jeunesse : du Pays Basque, avec l’immense Benat Axiary, jusqu’en Inde.  Mais un premier voyage en Bulgarie (2011) établira le pont entre l’éblouissement de l’enfance et la confirmation que son chemin repassera par ici.  Ce temps viendra quelques années plus tard, à une période charnière dans la vie personnelle de TUi MAMAKi et à la fin d’un projet musical en duo (The Mamaku Project) qui aura duré 10 ans.

Des chansons nées d’un nouveau silence

TUi  a beau être motivée par l’étude des chants polyphoniques des femmes Bulgares, pour autant la bascule est radicale dans la petite ville rurale de Plovdiv.  La suite est une histoire de déracinement et de renaissance.
De ce nouveau contexte d’isolement,  purgé des habitudes et des repères familiers, naissent des premières chansons, nourries des nouveaux apprentissages musicaux.
Et puis, écrire des chansons, c’est aussi une façon de s’apporter des réponses.

Tui Mamaki Jen Raoult/Clair Obscur

photo ©Jen Raoult/Clair Obscur

Le temps passant, germe l’idée d’enregistrer, mais pas n’importe comment.  C’est avec Patrick Jauneaud, l’ingénieur du son pour les voix du sublime album Tchamantche de Rokia Traore que TUi trouve les conditions d’enregistrement qui préservent au mieux le naturel de la voix.  Dans les Cévennes où il habite, Patrick Jauneaud est presque voisin avec Piers Faccini ; et leur collaboration sur les enregistrements et les concerts de Piers ne date pas d’hier.  La suite, on la projette aisément…

Lorsque Patrick m’a fait écouter les enregistrements de TUi, ma première émotion a été de comprendre que j’entendais là quelqu’un qui venait de trouver sa voix.  J’ai reconnu ça parce que ça m’est arrivé à moi aussi : j’écris des chansons depuis l’adolescence mais c’est presque 15 ans plus tard que tout s’est révélé dans une chanson qui, sans être pur assemblage, traduisait dans mon style et avec ma voix, tout ce qui comptait pour moi dans mon chemin d’artiste musicien.  Je comprends que TUi a poussé loin le voyage, avec le courage de se perdre.  C’est le lot de certains artistes, cette traversée du désert et puis le jour où on réalise que sa vraie voix sort enfin.  Cette aventure poétique de l’artiste ou de l’auteur, c’est quelque chose d’extrêmement touchant.
Croiser le chemin de TUi à ce moment si particulier m’a donné l’occasion d’illustrer – et de quelle façon ! – l’idée et le nom de la collection : Hear My Voice.

TUi MAMAKi by Shannon Aroha 2

photo © Shannon Aroha

 

Piers a ramené le village

Avec une intelligence musicale très fine, Piers a su déployer des arrangements riches et ajustés, mais toujours respectueux de mes bébés.  C’est comme si, autour de ces chansons solitaires nées d’un nouveau silence, Piers avait en douceur ramené tout mon village.

Voyez comment TUi elle-même commente ce pas de géant pour l’artiste qui remet son intime dans les mains des autres:

J’avais peur.  Je craignais que ma vision ne soit assez solide.  J’avais peur de perdre mon indépendance toute neuve en laissant quelqu’un d’autre toucher à mes bébés.  Nos caractères se sont exprimés mais nous avons fait face.  Par amour de la musique, par loyauté envers l’inconnu, et pour laisser entrer les couleurs.  Parce que rien de tout cela ne nous appartient.
[Lire tout le post – en anglaissur le site de TUi]

Les compositions de TUi MAMAKi sont infusées – et non le simple assemblage – de ses explorations et de ses extrapolations de troubadour nomade, entre Pays Basque, Bulgarie, Inde, et autres rencontres fertiles.

L’instrumentation est inspirée de mon histoire d’amour avec les rythmes du folklore bulgare mais transposé sur ma petite guitare Martin, dont je joue comme d’une harpe.  J’ai développé mon propre style de finger-picking pour en interpréter les mesures asymétriques. (mesures à 11 temps).

De même, ses mélodies vocales résonnent-elles des langues qu’elle pratique et d’une technique vocale étudiée à Plovdiv.  On est sous le charme de ses ornementations parfaitement harmonisées entre la tessiture cuivrée héritée des polyphonies bulgares et des phrases plus intimes,  confiées comme des prières.

TUi MAMAKi by Shannon Aroha 8

photo © Shannon Aroha

LIFT OFF est la chanson de l’exorcisme, la chanson pour assumer la coupure avec le départ de Nouvelle-Zélande pour la Bulgarie, l’arrêt du Mamaku Project; une chanson pour purger la nuit des rêves étranges qui la hantent, et décider de son propre envol.  Elle est construite sur cette narration : les chorus, comme un rituel, expriment cette traversée, ce dépassement, et convoquent les forces pour mettre en œuvre la transformation.

BE ONE est un autre petit rituel, de réconfort celui-ci.  Il invite à inscrire des mots de sagesse à même le cœur, sur sa surface. De telle sorte que le jour où il se brise, les mots de sagesse tombent dedans.

RIUWAKA est le nom d’une résurgence sacrée au pied de la montagne Takaka, à Te Wai Pounamu (Aotearoa/Nouvelle Zelande).  Beaucoup de monde vient recueillir et boire cette eau cristalline et bienfaitrice.  La chanson invite à baisser les armes, à se rendre à l’inévitable solitude qui succède à la rupture des relations, et à se laisser purifier, physiquement et spirituellement,  par la nature.  Une histoire de tendresse, et d’ouverture.

FOLLOW donne rendez-vous au premier sourire du matin ou au dernier soupir du soir, lorsqu’on ressent la vérité de son humble condition et qu’on se trouve heureux de cette vie qui n’est ni longue ni courte.  Car elle n’est faite que de cycles, illustrés dans cette vidéo irisée, filmée et montée par TUi MAMAKi, entre Bulgarie, France, et Nouvelle-Zélande.

First smile of the morning
Do you know which one I mean?
Long lined horizons
This heart is following itself home.

Last sigh of the evening
Do you know which one I mean?
Long lined horizons
This heart is following itself home.

Praises from dawn til sundown
Prayers through the dark…

Long life just beginning
Do you know which one I mean?
Short life ending
This heart is following itself home.

Praises from dawn til sundown
Prayers through the dark…

 

Les chansons de l’EP Hear My Voice sont écrites et composées par TUi MAMAKi, arrangées et produites par Piers Faccini.
Avec les contributions instrumentales de TUi MAMAKi, Piers Faccini, Malik Ziad (Guembri, Mandole) et Tunji Beier (percussions).

Les EP vinyles de la collection Hear My Voice sont disponibles chez les disquaires en France et en Angleterre.

Distribution physique et digitale en lien ici

tuimamaki.com

beatingdrumrecords.com

 

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